C'était devenu une espèce de rituel stupide sans qu'il ne s'en rende compte. Jared se rendait sur la plaque commémorative où figuraient les noms d'ancien combattant qu'il avait connu avant de se faire mordre. Juste des noms empilés les uns derrière les autres sur une jolie plaque dorée, elle-même plantée sur une stèle au milieu du cimetière. Pour se recueillir ? Ou pour les narguer depuis leur tombe que LUI était encore en vie ? Les regrets d'une époque où les choses étaient beaucoup plus simple ? Il ne s'était jamais posé la question et se moquait de la réponse.
Ce cimetière était l'endroit le plus éloigné où il pouvait se permettre d'aller sans se retrouver loin de son territoire, coincé à cause du soleil. Il aimait fumer une cigarette et se plonger dans ses pensées. À la fin, il laissait toujours le reste du paquet de clopes contre la stèle. Un rituel stupide, vraiment, mais cette nuit, le vampire en avait particulièrement besoin.
La nuit dernière, il avait connu la défaite. Son uniforme fétiche qu'il n'avait pas enlevé depuis était couvert d'un horrible mélange entre son propre sang et celui de l'alpha Blackwood. Imaginer ces deux sangs mêlés sur le tissu lui donnait envie de vomir.
Plutôt que de retracer l'insulte qu'il avait reçu des loups, Jared préféra laisser vagabonder ses pensées en savourant sa cigarette. Le vampire n'avait jamais fait méditer sur son parcours jusqu'ici. Il avait toujours pensé que ressasser le passé était quelque chose de ridicule. Pourtant, ce soir, l'ancien soldat se força à appliquer cet exercice difficile comme s'il pouvait en tirer une piste pour son avenir. Ah, il fallait croire que les charabias moralisateurs du vieux grec commençaient à déteindre sur lui ! Rien que cette pensée lui arracha un sourire cynique.
Before the death... Jared n'aime pas parler de l'époque où il n'était encore qu'un faible humain. Quel est l'intérêt de raconter qu'il était né en 1916 ? Hormis pour la frime d'être sur terre depuis un paquet d'années ? La vie était tellement ennuyeuse à cette époque, surtout quand on n'avait pas la chance de vivre dans une grande ville. Ces parents étaient fermiers (Ou agriculteur, quelle différence ? Il ne s'était jamais intéressé suffisamment à eux pour le savoir). Dans une région loin du bruits, de l'animations, bref loin de tout ce qui pouvait être une source d'amusement.
Faible compensation : il a grandi dans une délicieuse ambiance d'un monde sous tension n'attendait qu'une faible flammèche pour s'embraser. Bien maigre compensation pour lui qui semblait vivre loin de tout et s'ennuyait à mourir. À croire qu'il pressentait que le destin lui réservait autre chose que la monotonie qui régissait son quotidien.
De son enfance à son adolescence, le garçon était une véritable bombe à retardement. On le voyait le plus souvent assis dans un coin, tapant nerveusement des pieds qui trahissait une certaine hyperactivité, attendant le bon moment pour lâcher une réplique acide ou provoquer une bagarre. N'importe quoi qui pouvait donner un peu de piquant à sa journée.
Il était un cas désespérer pour des parents qui rentraient trop épuisés par leurs journées de travail pour avoir en plus à gérer un gosse turbulent. Son père pensa que seule l'armée pouvait le faire rentrer dans le rang. À 18 ans, Jared fit donc son service militaire et ne quitta plus l'armée, semblant avoir trouvé un joli jouet pour déverser toute la frustration causée par une vie atrocement banale.
Là-bas, il apprit beaucoup de choses. La loyauté, le patriotisme et l'amitié n'en firent pas partie. Il laissait çà aux naïfs. En revanche, Jared apprit qu'il était plus réjouissant d'attendre les exercices quand il voulait se venger d'une remarque faite par un de ses compagnons d'armes (il recevait des félicitations pour sa détermination au lieu de réprimande s'il avait laissé exploser sa colère sur le moment) ou, dans le registre des choses durent à digérer pour son orgueil, que parfois, on avait besoin d'alliés pour l'emporter (même s'il préférait les voir comme des pions que des alliés). Le jeune homme contenait ses excès de colère au maximum, se disant qu'il pourra s'en donner à cœur joie pendant les batailles, les vrais, pas ces stupides stimulations. Hélas, cet instant qu'il attendait avec impatience semblait tardé à arriver. Des conflits semblaient germés partout en Europe et la grande Amérique semblait réticente à se lancer dans cette danse. Vraiment... Que cela était désespérant !
Il lui fallut attendre encore quatre années avant d'obtenir ENFIN satisfaction. C'était la guerre. Une guerre mondiale.
In the war De cet événement tant attendu, Jared n'éprouva tout d'abord que de la déception. L'Amérique semblait concentrer tous ses efforts sur la destruction de la flotte ennemie. Quel intérêt de tuer ainsi des gens à distance ? Où était le plaisir ? Bien sûr, il était le seul à penser ainsi. Ces 'camarades' étaient rassurés de tuer l'ennemi depuis une zone de sécurité. Comme si çà pouvait les protéger des tirs ennemis ! Les idiots...
Ensuite, le Japon entra également en guerre. Il fallut une attaque directe pour que l'armée prenne enfin ce conflit au sérieux. Ce n'était pas trop tôt ! Mais, là encore, la part belle était donnée à la marine et à l'aviation. Lui qui avait toujours cru livrer sa première véritable bataille sur le sol européen se trompait. Tout comme il se trompait lorsqu'il s'imaginait garder un souvenir précis de ses premiers combats et des premiers ennemis qui périraient de ses mains. Des manœuvres destinés à grappiller du territoire à l'ennemi, il n'en garda que des souvenirs confus. Se traîner dans la boue, marcher sur le cadavre de ses anciens amis, le bruit assourdissant des ripostes ennemis. Tout cela était devenu une routine mécanique. Le soldat ne réfléchissait même plus. Les batailles s'enchaînèrent, les mois aussi. Jared s'accrochait à la vie, quitte à se servir de ses compagnons comme bouclier vivant pour prolonger son existence de quelques instants. Tuer ou être tuer et du sang, du sang partout.
Par contre, il se rappela très clairement de la raclée qu'il administra à son supérieur. L'alliance avec l'Europe s'était consolidée. Leur supérieur leur expliquait leur prochaine mission : l'opération Neptune. Un débarquement sur les plages de Normandie. Une manœuvre risquée ? Un massacre, oui ! Leurs supérieurs étaient les seuls à se montrer enthousiasme. Pas étonnant puisqu'il était les seuls dans la pièce du briefing à avoir des chances à survivre. Jared voyait le visage de ses voisins se décomposer tandis que la colère montait en lui. Au bout d'un moment, ne pouvant plus supporter l'attitude de l'homme qui expliquait le projet, il se leva et se jeta sur lui, lui décocha un direct du droit dès qu'il fut à porter. Il donna l'impression d'être un de ses chiens enragés qui venait de briser son collier. Jared se moquait qu'on les conduise à une mort plus que probable au nom de la liberté ou une valeur stupide dans le genre. Ce n'était pas de la sollicitude envers ses compagnons de bataille qui le motivait à ruer de coup son supérieur jusqu'à ce que plusieurs hommes s'interposent pour les séparer. C'était l'orgueil qui parlait. La blessure fait à son ego. On osait le mettre dans le même panier de vie sacrifiable que les autres ! LUI !
call of destiny Le Débarquement. Cette bataille que rabâche sans arrêt les livres d'Histoire, il n'y participa pas. La cours martiale l'attendait, mais avant, Jared prit une décision qui allait changer sa vie : il décida de ne pas rentrer directement chez lui. Ses pas le conduisirent plutôt vers une grande ville dans le quartier du Bronx, plus exactement. Histoire de vivre un peu les expériences qu'avaient à offrir une grande ville avant d'attendre comme un rat mort le verdict pour son coup d'éclat. En enchaînant les verres d'alcool, il repensait sans cesse au bruit délicieux qu'avaient fait le bras et le nez de son adversaire lorsqu'il les lui avait cassés.
Il but trop ce soir et s'attarda trop tardivement dans le bar, ignorant que les grandes villes ne se peuplaient de bonnes fréquentations à la nuit tombée. Ou peut-être était-ce qu'il cherchait pour déverser sur un ivrogne la rage qu'il lui restait à déverser. À la place, son chemin croisa la route de deux vampires. Jared ne réalisa la nature surnaturelle de ses agresseurs que lorsqu'il réussit à éventrer un des deux avec un pied de chaise mais que ce dernier ne semblait pas ressentir plus de gêne que cela et encore moins de la douleur. À la place de crier, ils rirent, l'appelant
'leur vaillant petit soldat' à cause de son uniforme qu'il n'avait pas eu le courage d'enlever quand on l'avait renvoyé. Quel que soit le nombre de coups que Jared arrivaient à leur porter, soit ils esquivaient, soit cela ne leur faisait quasiment rien. Autant combattre du vent.
Son souffle et ses forces commençaient à le quitter et de la sueur froide dégoulina le long de son dos alors que le soldat se disait que cette nuit serait peut-être sa dernière. Curieusement, ces agresseurs ne le tuèrent pas. À la place, ils lui firent entrevoir un monde rempli de monstres terrifiants et il allait devenir l'un d'entre eux.
New life Grave erreur de croire que quelqu'un comme Jared se montrerait
reconnaissant ou
bon perdant. Grave erreur de croire qu'il allait oublier l'humiliation subite dans cette ruelle simplement parce que ces deux agresseurs lui avaient donné l'immortalité.
Les premières questions qu'il posa à ses généreux 'créateurs' furent au sujet des faiblesses de leur race. Pourquoi ? Parce qu'il ne voulait pas mourir bêtement alors qu'on venait de le rendre immortel. C'est en tout cas l'excuse qu'il fournit pour étouffer la suspicion de ses semblables. Les deux vampires le renseignèrent, ignorant qu'ils lui fournissaient de précieux renseignement pour sa vengeance à venir.
Jared les tua dans leur sommeil, usant pleinement des informations récemment obtenues. Déjà à l'époque, il avait le sens du théâtrale. Il se savait nouveau dans un monde où il avait tout à apprendre. Il devait donc marqué les esprits pour se faire une place.
Alors que le troisième vampire qui avait pris l'habitude de traîner avec ces deux ex-bienfaiteurs rentrait de sa chasse, Jared lança à ses pieds ce qui restait des autres. Du haut de son escalier pour dominer la scène, le nouveau vampire déclara être dorénavant le chef de leur duo... sauf s'il voulait finir dans le même état que les autres, bien sûr.
Sa première décision fut de faire le tri. Tuer les incapables et rallier à sa cause les vampires détenant un certain potentiel. Pour lui, l'immortalité ne devait pas se donner à n'importe qui.
Occuper par ses ambitions, sa première soif de sang le prit totalement par surprise au point de se jeter à la gorge du premier humain venu. C'est ainsi que Jared fit la connaissance d'Adonis Kostalian. Le vampire grec voulait l'aider à maîtriser son état. Sauf que l'ancien soldat ne voulait pas être aidé, il avait ravi de cette perte de contrôle salvatrice. Si les deux immortels se quittèrent avec une certaine tension, l'animosité actuelle entre eux ne débuta officiellement que lorsqu'Adonis empêcha Jared de recruter un élément intéressant : Daenerys. L'ancien soldat punit le grec comme il se doit en lui faisant avaler des litres de sang de chien. Depuis aucun retour vers un terrain plus pacifique n'est possible entre ces deux-là.
Pendant que Jared agrandissait son influence, un autre problème se posa rapidement à lui : les loups. Au début, il ne prit pas ce problème au sérieux. Qu'est-ce qu'un loup-garou sinon un chien doué de parole ? Même lorsqu'un trio de lycan fit des dégâts sur son territoire, l'ancien soldat estimait l'affaire indigne de sa présence. Contrairement à ses pronostiques, les larbins qu'il avait envoyés pour régler cette histoire ne revinrent jamais. C'est à partir de cet instant que Jared réalisa que les loups-garous n'étaient pas une affaire à prendre à la légère, surtout ce Zachariah.
Jared adorait sa nouvelle vie, à croire qu'il venait de trouver un échiquier géant pour s'amuser ou une jolie scène de théâtre où il se visualisait comme le marionnettiste. Espionner les humains pouvaient faire de futur membre pour sa bande, recruter, agrandir ou défendre une partie de son terrain d'influence. Un travail ? L'ancien soldat ne s'occupa pas de se chercher un emploi dans le légal, ne se souciant aucunement de préserver les apparences. Lui qui aimait voir les humains ramper à ses pieds trouva un accord idée avec une sorcière prénommée Jules. Elle lui fournit des drogues particulières et il lui ramenait des corps presque intactes en plus de lui fournir sa protection pour que la demoiselle n'ait aucun problème du côté vampire. Un marché parfait !
Parfois, une précieuse recrue lui échappait ou il se retrouvait avec un nouveau venu indésirable parce qu'un des vampires de sa bande avait eu l'envie de se créer de la compagnie. Cela faisait partie du jeu. Jusqu'au jour aux les règles changèrent radicalement...
And now ? Les choses avaient pourtant très bien commencé. Monsieur l'Alpha était aux abonné absents depuis plusieurs mois. Jared ne savait pas la raison et ne croyait pas en la rumeur prétendant que Zachariah aurait quitté le Bronx. Peut-être que cela avait un rapport avec cette histoire de pluie de cœurs, peut-être que non. Une chose était certaine pour le vampire : il aurait été idiot de ne pas profiter de la situation.
S'il avait été moins orgueilleux, l'ancien soldat aurait senti le retour de flamme venir. Mais non, il ne voyait en la proposition de l'Alpha de mener un combat dans le parc d'attractions qu'une occasion en or d'écraser le lycan devant les siens.
Le poing du vampire se serra, écrasant le paquet de cigarettes qu'il tenait dans sa main, en se rappelant comment le combat s'était terminé. Jared ne savait pas quel était l’événement le plus insultant de la soirée... Sa défaite ? Ou le fait que ce maudit lycan ait tué un des siens devant ses yeux sans qu'il ne puisse rien faire pour l'arrêter ? En tout cas, le Saigneur allait s'assurer qu'à partir de maintenant chaque lycan que lui ou un membre de sa bande tuerait porterait les mêmes blessures que l'Alpha lui avait fait durant ce combat. Et quitte à blesser d'avantage son propre orgueil, peut-être qu'il serait temps pour lui d'obtenir une de ses fichues pierres pour marcher au soleil. Jared ne pouvait se permettre de conserver un tel désavantage sur ses adversaires diurnes. Mais de ce point-là, il avait encore le temps de réfléchir. Chaque chose viendra en temps voulu.
Si Zachariah voulait la guerre, il allait l'avoir.