Burning love Au sein de la communauté des sorciers, il est de notoriété publique que les élémentaires ont plus de chances de virer de l'autre côté. Lors de leur répartition, les mages blancs élémentaires sont moins "blancs" que les voyants ou les soigneurs. De même, les mages noirs élémentaires font preuve de plus de pitié et de compassion que leur pairs nécromanciens ou illusionnistes. Ce phénomène n'a jamais été prouvé, ce n'est qu'une croyance commune à la plupart des magiciens qui, par un heureux hasard, s'avère exacte la majeure partie du temps.
Ainsi, nul ne fut surpris lorsque l'élémentaire feu la plus tangente qui soit fut attirée par un sorcier noir aux même pouvoirs qu'elle, ni quant elle se laissa entraîner de l'autre côté par celui qui était devenu son mari. Personne ne vint en aide aux enfants de ce couple en équilibre précaire, Tristan et Frieda Höffer, de peur de se rendre complice que quelque horreur perpétrée dans cette maison loin de tout, ou simplement par désintérêt total des affaires d'autrui. Entre l'éducation à la manière blanche et les exercices de magie noire, les enfants portaient en admiration leurs parents et cette presque-neutralité qui leur était propre. Parfois, la mère refusait de participer à telle ou telle activité et s'en allait plusieurs jours étudier la médecine dans son bureau sans réel espoir de devenir un jour chirurgienne. D'autres fois, le père se mettait en colère pour une raison idiote et décidait de déverser sa tension sur quiconque se trouvait à sa portée, sa femme se contentant de s'éloigner en portant sa fille dans ses bras. Peu importe le scénario, la fille recevait l'affection du père ou de la mère, et le fils, le joug de l'autre parent. La petite n'était pas en âge de comprendre la jalousie de son frère ni la fierté qui brillait dans les yeux de leur géniteur alors qu'il l'imaginait déjà avec des iris dorés.
Dès que Frieda fut capable d'analyser et comprendre le monde qui l'entourait, elle se mit à défendre Tristan. Ses efforts furent vains ; elle ne pouvait fuir l'étreinte de sa mère pour servir de victime à la place de son frère ou échapper au regard de son père afin de l'aider dans ses corvées lorsque la porte du bureau était fermée. Cependant, le comportement de la jeune enfant permit à Tristan de revenir sur le chemin de la lumière. Elle sera son ancre pour poursuivre dans cette voie, même après son départ ; la bénédiction qui empêchera deux paires d'yeux verts de se teinter à jamais d'or. Car même si elle n'était pas la parfaite petite magicienne blanche, leur mère restait attachée à sa nature et ne pouvait tout pardonner à son mari. Certaines choses étaient incompatibles avec les deux types de magie.
One choice ahead from hapiness Tristan n'en a jamais voulu à celle qui l'avait mise au monde pour les années qu'ils ont passé ensemble. Il aurait pu, ça aurait été une réaction dite "normale", mais cela n'a pas été le cas. Car les bons jours valaient la peine de passer l'éponge sur les mauvais. Il se souviendrait toujours des pique-niques dans la forêt environnante, des soirées passées autour d'un feu de camp, des histoires d'horreur racontées à la lumière d'une bougie quand les plombs sautaient, des devoirs brûlés "accidentellement" quand il était trop malade pour les terminer, du sourire de sa mère quand elle le regardait parcourir les grimoires de la bibliothèque, du rire de son père alors qu'il tentait, en vain, de donner vie au chien empaillé des voisins.
Non, loin de là l'idée de blâmer sa mère pour ces années heureuses, bien que tumultueuses. Son père était de faible composition, aussi ses coups n'avaient-ils que peu d'impact sur le jeune sorcier. Malgré tout, madame Höffer se rendit coupable d'une faute qui lui valut la haine de son fils.
La première fois que son mari évoqua la notion de cobayes humains, elle l'ignora en pensant qu'il abandonnerait l'idée. Contrairement à ses prédictions, l'élémentaire n'eut de cesse de remettre le sujet sur la table dès qu'ils étaient seuls. La femme tenta alors tant bien que mal d'éviter son mari pour l'empêcher de donner suite à ses idées. Malheureusement, et pour la première fois depuis leur mariage, il n'attendit pas son accord pour prendre une décision concernant leur famille. Au début, les expériences demeuraient inoffensives, invisibles. Les enfants ne s'en plaignaient pas ; ils ne se plaignaient jamais. Pas à elle. Quand l'imprudente aperçu des marques de brûlures sur le bras de sa fille, et ce fut sa première erreur, elle ne demanda pas d'explications. Doutant de sa force de persuasion, elle était convaincue que rien n'aurait pu freiner son mari dans sa course loin de la neutralité qui leur était chère. Deuxième erreur, elle décida seule de partir, sans même en parler aux principaux intéressés. En toucher mot au fils aurait stoppé ce manège insensé, mais une fois les valises bouclées, il était trop tard.
« Quoi ? »
La voix de sa mère était encore empreinte de cette fausse gentillesse qu'ont les adultes lorsqu'ils tentent d'amadouer les enfants. Cela ne durerait qu'un moment. Répétant les mots exactes de sa première réponse, Tristan rejeta la proposition de sa mère de vivre avec elle. Dans un anglais maladroit, la mère tenta de justifier son point de vue. Elle fit remarquer à son fils le bleu qu'il portait à la joue gauche mais il ne venait pas de son père. Il s'était simplement cogné contre une porte en pourchassant Frieda dans leur grande maison.
En divin protecteur, le père de famille vint se poster derrière son fils, une main sur son épaule. Ses yeux étaient injectés de sang mais il gardait un visage vide de toute émotion.
« S'il veut rester avec moi, alors qu'il reste. »
Il ne voulait pas partir avec la femme qui venait de détruire leur famille, celle qui emportait sa sœur loin de lui et assombrissait le cœur de son père de par sa lâcheté seule. Elle aurait pu, elle aurait
dû se battre pour les protéger et garder leur famille unie. Il avait pu lui pardonner chacune de ses périodes d'enfermement, chaque coup qu'elle n'avait pas arrêté, chaque blessure qu'il s'était faite en travaillant à sa place. Mais ça, c'était trop pour lui. Il n'avait que dix ans et sa mère lui avait tout pris. Alors il avait choisit son père. Peut-être sa vie aurait-elle était meilleure s'il l'avait tout simplement suivie. Mais encore une fois, il était trop tard.
New beginnings, new ends Les paroles de son père ne furent, au grand désarroi du fils, que métaphoriques. Il n'était pas question qu'ils
restent, la maison appartenant à madame Höffer. Pour être plus précis, tout appartenait à sa mère. Riche héritière et artisane reconnue, elle avait amassé une fortune confortable dont ils ne pouvait plus profiter. La plupart des parents qui se séparaient se partageaient la garde des enfants, ou le plus riche aidait au moins le plus pauvre. Ici, père et fils se retrouvèrent démunis et la maison fut démolie avant qu'ils ne puissent trouver d'habitation équivalente. Ils durent retourner sur la terre natale de l'élémentaire où de la famille éloignée acceptait de les accueillir.
Rendu aigri par la trahison de sa femme, celui qui avait accepté de porter un nom allemand pour mieux s'intégrer reprit son ancienne identité une fois arrivé en Amérique. Boston n'était pas aussi belle qu'on le leur avait dit. Tristan détesta tout de suite la ville et l'appartement minuscule où ils devaient maintenant vivre. Mais la décision ne lui revenait pas, et ils y restèrent jusqu'à ce que l'enfant devienne adulte et puisse quitter ce qui était devenu sa prison.
Pour redonner le sourire à son fils, monsieur Höffer maintenant Evans reprit les expériences dans le but de le rendre plus fort. Ses pouvoirs de sorcier, à dix ans, n'étaient que très peu visibles mais il était évident qu'il ne pratiquerait jamais l’illusionnisme ou la nécromancie. Malgré son admiration pour son géniteur, Tristan se promit de ne jamais devenir élémentariste. Cette équilibre précaire entre magie blanche et magie noire ne l'intéressait pas. Il ne voulait pas risquer de faire souffrir les gens autour de lui comme l'avait fait sa mère. Aussi, son père faisait-il son possible pour améliorer ses capacités de guérison et de perception. Les tests les plus difficiles auxquels Tris dû se soustraire furent ceux pratiqués sur ses sens et leur lien avec ses capacités magiques. Persuadé que perdre la vue ou l'ouïe permettrait à son fils de développer d'autres facultés - dont la magie - le père rendit son fils tout à tout sourd, aveugle puis incapable de ressentir la moindre douleur. Tous furent un calvaire, le dernier cas l'obligeant à multiplier ses séjours à l'hôpital pour des blessures dont il avait mal mesuré la gravité. Mais la durée de ces expériences fut très courte, aussi put-il continuer à vivre normalement. Vint ensuite le sort qui tourna au cauchemar.
Monsieur Evans était conscient des risques mais il se pensait capable d'un tel acte. Les sortilèges nécessitaient souvent que certaines paroles soient prononcées, la puissance de la voix intervenait ainsi dans la réussite ou l'échec de la procédure. Augmenter le niveau de magie dans les cordes vocales de son fils lui donnerait assurément une puissance supérieure à la moyenne.
« Dis-moi que tu m'aimes.
- Je t'aime, papa. »
Si son fils ne devait plus jamais parler, autant que les derniers mots qu'il entende de sa part soient ceux-ci. Tristan était d'accord. S'il devait finir muet, il préférait ne pas terminer sur un mensonge. Même s'il ne savait pas s'occuper de lui, même s'ils vivaient dans un trou à rat mal éclairé, même s'il était dangereux et imprévisible, Tris aimait son père plus qu'il n'aimerait jamais sa mère.
Bien entendu, l'expérience échoua et l'enfant, alors âgé de 13 ans, perdit sa capacité à parler. Il resta ainsi pendant plus de trois ans avant que son père ne trouve une solution - la version officielle étant qu'il s'était fermé suite à la mort de sa tante. Et même après cela, il lui fut très difficile de se remettre à communiquer comme le reste de la population.
Freedom for the captives Il était difficile pour un garçon muet de se faire des amis au milieu de tant de jeunes bruyants. Certains de ses anciens camarades cessèrent de l'inviter chez eux, aussi fut-il dans l'obligation de passer plus de temps avec son père dans leur appartement minuscule. Son père de bonne humeur comme son père en colère. Les expériences avaient permis au fils de cicatriser plus rapidement et d'être plus résistant en général. Les effets n'étaient que temporaires mais, lorsque le timing était bon, ils lui permettaient d'aller à l'école sans avoir peur que quelqu'un voit ses marques, bleus et cicatrices. Au fur et à mesure qu'il grandissait, l'idée de riposter devenait de plus en plus séduisante. Il ne succomba cependant jamais à la tentation. Il avait l'impression qu'un seul coup pourrait briser ce qu'il restait de son père et il était incapable d'appeler les urgences sans sa voix, ni de récupérer sa voix sans son père. De toute façon, personne ne risquait de réagir face à sa situation. A quinze ans, il n'avait plus personne hormis un vieux sorcier noir fauché qu'il continuait d'aimer et protéger.
Jusqu'à Jessica. Jessica s'intéressa au grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais mais avait d'excellentes notes à l'écrit. Jessica remercia le grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais mais avait fait ses devoirs quand elle était allée à une fête d'anniversaire secrète. Jessica tint compagnie au grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais quand son père fut admis à l'hôpital pour un cancer du foie. Jessica but avec le grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais quand son père fut enfin tiré d'affaire et put reprendre le travail. Jessica invita le grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais à la suivante fête d'anniversaire secrète. Jessica pleura devant le grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais alors que personne ne l'avait vue pleurer depuis des années.
Jessica tomba amoureuse du grand brun du fond de la classe qui ne parlait jamais.
Et lui ? Ça faisait déjà un an qu'il était amoureux de la petite brune aux tâches de rousseur qui n'arrêtait jamais de parler. Et le soir où son père le guérit de son mutisme, après l'avoir remercié, il s'empressa de l'écrire à Jessica.
< C'est incroyable !
< Je veux t'entendre
> C'est encore difficile.
< Aller ! Même si tu as la voix d'un robot fumeur asthmatique, je m'en moque ! è__é
< Envoie !
< Envoiiiiiiiiie !!!
> D'accord, d'accord... 2 mins.
> [fichier joint]Sa voix était rauque et très différente de celle qu'il avait quelques années plus tôt. Il ne savait pas si elle était belle ou irritante, grave ou aiguë, attirante ou effrayante. Il ne pouvait qu'espérer que sa gorge s'habituerait à ce nouvel exercice et que parler deviendrait plus simple avec le temps - ça ne sera pas le cas. Une fois le message reçu, Jessica s'empressa de l'écouter. Une fois, puis deux, puis trois, encore et encore jusqu'à ce qu'il soir gravé dans sa tête. Même une fois son téléphone éteint et ses paupières fermées, elle se remémorait ces trois mots qu'elle espérait entendre de nombreuses fois encore : « Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. »
Et voilà la
happy end. Si l'histoire se terminait ici, ce serait assurément une fin heureuse. Tout n'était pas parfait mais Tris savait qu'il n'aurait pas mieux. Un père vieillissant qui n'avait plus la force de le frapper, une petite amie géniale, toutes ses capacités physiques et un avenir simple et sans danger qui l'attendait. Seulement, l'histoire ne s'arrête pas là.
Jessica s'avéra être une sorcière qu'un pacte protégeait des chasseurs. Sa proximité avec la famille Evans-Höffer attira leur attention sur Tristan et son père ainsi que sur les cousins qui vivaient juste à côté. Ils eurent le temps de préparer un plan d'évasion pour le père et le fils, en espérant que les chasseurs poursuivent leurs fantômes et oublient les sorciers de Boston. Tristan aurait été inscrit au lycée militaire jouxtant Chicago et son père aurait décidé de le suivre là-bas peu de temps après. En vérité, ils allaient à New York. Cette ville était tellement peuplée qu'ils pourraient facilement s'y cacher.
Une journée suffit pour tout préparer ; Tristan partait le soir même. Son père l'avait interdit de reparler à la sorcière qui les obligeait à partir. Lui reparler, pas la revoir. La situation lui fut expliquée par message - la situation officielle. Il n'était pas question de l'alarmée au sujet des chasseurs ni de lui révéler leur réelle destination. Comme l'avait dit son père, il ne pouvait l'enfermer dans une vie de fugitive. Il devait la libérer, la laisser vivre une existence ordinaire. Lorsqu'elle l'obligea à la regarder dans les yeux et lui demanda comment il allait, il lui offrit le même sourire que d'habitude. Un faux sourire qui voulait dire "je vais bien" quand ce n'était pas du tout le cas. Elle le supplia de lui parler mais ses lèvres restèrent scellées. La voiture partit et elle resta assise sur les marches menant à l'entrée de l'immeuble, son portable serré entre ses mains, le même mémo vocal jouant en continue. Tout ça pour un pacte passé entre sa grand-mère et le patriarche d'une famille de chasseurs.
Elle ne fut pas la seule à recouvrer sa liberté, ce jour-là, puisque le père de Tristan ne vit jamais la ville de New-York. Capturé par les chasseurs puis tué par l'incendie qu'il provoqua lui-même, il anéanti les humains qui s'étaient mis à leur poursuite. Il avait ainsi libéré son fils de leur menace et de lui-même.
Last gift from mother Terminer sa dernière année de lycée dans une nouvelle ville, seul, et juste après la mort de son père fut une épreuve difficile mais Tristan savait qu'une fois son diplôme en main, il pourrait aller retrouver Jessica. Alors il s'accrocha, acceptant sans broncher l'argent de sa mère pour pouvoir survivre dans son pensionnat. Elle n'avait fait surface qu'après l'enterrement, lui offrant de retourner vivre avec elle en Allemagne. Il avait hésité, malgré la haine et le mépris qu'il avait pour cette femme. Elle était sa mère, et il n'avait nul part où aller une fois le lycée terminé. Ce fut sa sœur qui lui permit de prendra une décision. Celle qui avait été son ancre, qui l'avait empêcher de suivre son père sur la voie de la magie noire, étudiait l'illusionnisme. Il était évident que ce choix ne venait pas d'elle. Elle n'avait pas encore 18 ans, aussi ne pouvait-elle pas être considérée comme une mage noire ; mais Tris refusa de prendre le risque de voir sa sœur terminer la cérémonie avec des yeux dorés. Lui-même était très proche du jour fatidique. Il renvoya mère, sœur et demi-frère qui venait de voir le jour, et s'enquit de voyager vers Boston. S'il devait revoir Frieda un jour, elle serait une adulte responsable de ses choix et non une marionnette utilisée par leur génitrice pour gagner son pardon ou sa pitié, peu importe la couleur de ses yeux.
« Tu es comme moi, ne le nie pas ! » avait pleuré sa mère alors qu'il refusait de l'accompagner à l'aéroport. « Et tu vas souffrir. Je te promets que tu vas souffrir, sans moi. »
Ces paroles n'eurent aucun impact sur le jeune homme qui garda le nez plongé dans les petites annonces. Nul ne savait alors que cette malédiction se réaliserait. En route pour son ancien logis, le sorcier, abordant maintenant les iris vertes qu'il avait tant désiré, priait pour que Jessica n'ait pas quitté la ville pour partir à l'université. Les cours d'été avaient déjà commencé et elle avait affirmé vouloir s'y prendre le plus tôt possible. Mais il continua d'espérer tout en se maudissant de ne pas avoir appris son numéro par cœur. Son ancien téléphone portable était sans doute entre les mains d'un SDF de Boston, à présent.
La route lui parut infinie mais il réussi à mettre pied à terre une fois devant l'appartement qu'il partageait avec son défunt père. Il avait déjà été reloué. Jess n'habitait pas loin, c'était plus rapide à pieds.
Quand il arriva devant la maison de ses parents, il l'aperçue dans le jardin, assise sur la balançoire. La seconde, à sa droite, n'avait toujours pas été réparée. Il se rappelait lui avoir promis de s'en charger. Il pourrait le faire, maintenant. Il avait du temps. Il avait tout le temps du monde pour elle. Et elle était là, juste là, à quelques mètres de lui. Tristan avança jusqu'au portail qui séparait la rue du jardin, qui le séparait de la femme qu'il aimait. Elle discutait avec quelqu'un. Un élève du lycée, il avait été dans leur classe. C'était un garçon normal, un humain qui parlait et vivait avec ses deux parents. Il n'était ni riche, ni pauvre et avait la chance d'avoir deux petits frères qui lui volaient ses jeux vidéos pour pouvoir y jouer en cachette quand ils étaient sensés dormir. Il ne les avait jamais dénoncés, parce que les frères et sœurs ne dénoncent pas les bêtises de l'autre. Tristan n'était pas jaloux parce qu'ils ne faisaient que parler. Puis ils firent plus que parler, mais Tristan ne fut pas jaloux. Il n'était pas en colère, il n'était pas triste. Il se contenta simplement de les regarder. Ils avaient l'air heureux sans posséder la passion dévorantes qui était caractéristique de ses parents. Il trouvait ça fade. Ce type n'aurait pas changé de nationalité pour elle. Il n'aurait pas braqué une banque et passé des frontières interdites pour elle. Il n'aurait pas tué pour elle. Quelques mois plus tôt, Tris l'aurait fait, lui. Mais là, alors qu'il regardait sa Jessica faire les yeux doux à un autre que lui, il ne ressentait rien. Il se demanda si elle avait toujours l'enregistrement de sa voix fait la veille de son départ. C'était probablement le cas, même si elle ne l'avait sans doute pas écouté depuis longtemps. C'est fou comme tout change en quelques mois.
Il repensa aux paroles de sa mère, puis il repensa au sms quotidien que lui envoyait Jessica pour être sûre qu'il était encore en vie, qu'il allait bien. Un jour, il n'avait pas répondu pour voir comment elle réagirait. C'était méchant, mais il venait d'essuyer une série de tests épuisants et un coup de pied dans les côtes quand il avait refusé de se lever pour continuer, alors il avait le droit d'être méchant. Il pensait - espérait - qu'elle s'inquiéterait. Mais elle s'était contenté d'attendre une heure puis de renvoyer le même message. Il n'y répondit pas, encore une fois. Le lendemain, elle n'en parla même pas. Ce genre de chose ne vous sautent aux yeux qu'une fois que tout est fini. Ce n'était pas parfait du tout, malgré ce qu'il s'était laissé croire. Jessica n'était pas l'amour de sa vie. Elle aurait pu l'être, mais il avait été maudit par celle qui l'avait conçu, alors il abandonna. Pourquoi chercher à reconquérir quelqu'un qui le laissait de marbre.
Il retourna à New-York et rencontra Sofie, Phillip, Jackson, Petra, Elen, Peter, John, Carmen, Meri... Et il tomba amoureux de Sofie, Phillip, Jackson, Petra, Elen, Peter, John, Carmen et Meri. Puis cette sensation disparu. Et revint en force. Disparu à nouveau pour le frapper de plein fouet au milieu d'un rendez-vous ou d'un cours de sciences ou d'une fête à laquelle il s'était juré de ne pas aller. Jessica ne lui manquait pas, mais ce qu'il avait ressenti - ou cru ressentir - pour elle, lui manquait. Il ne savait pas si tout cela arrivait à cause de la malédiction de sa mère ou si ce n'était qu'une coïncidence, mais il souffrait comme elle l'avait prédit. Lui qui était voyant, il ne l'avait pas vu venir. Peut-être un autre sorcier pourrait-il l'aider. Son père lui avait parlé d'une bibliothèque à New-York où allaient beaucoup de sorciers, quelque chose appelé le Sanctuaire. Il y passerait un jour. Pour le moment, il battait la malédiction à sa manière : étant donné que les relations sérieuses étaient maintenant impossibles, il se contentait d'une nuit s'il était chanceux, une soirée s'il était doué ou un café quand rien d'autre ne fonctionnait.
Vive jejunium...